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Photo du rédacteurL'Échiquier du Roy René

Pions empoisonnés : Episode 18


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- Allô ! Abdelaziz… Bronstein s’est retiré dans ses appartements juste après l’annulation de la partie.

- Choukrane, Driss ! Je vais lui passer un coup de fil de la réception, je suis sûr qu’il acceptera de me recevoir si je lui parle de Hansen.

- Fais attention à ne pas te faire repérer par l’un des types du Mossad.

- Oui, naturellement. Ils ne sont plus que deux à traîner autour de la piscine, les autres ont dû monter à l’étage sur les pas du grand maître, je ferai en sorte de les éviter.


Lorsque retentit la sonnerie du téléphone, le grand maître Boris Bronstein, prostré dans un fauteuil le regard dans le vague, est soulevé d’un sursaut d’espoir… « Hansen ? » Mais la voix de son interlocuteur n’est pas celle, qu’il reconnaîtrait entre mille, du grand maître danois, mais celle, aux inflexions orientales, d‘un inconnu qui ânonne quelques mots en un anglais hésitant.

- Great master… You do not know me… but…

Bronstein est sur le point de raccrocher, mais la voix, comme si elle devinait son intention, se fait si pressante qu’elle l’en dissuade.

- Listen to me… I have some information about… who you know.

- Who are you ? Your name ? How can I believe you ?

- Sorry… Walls have ears… I shall scratch on your door in five minutes… You will know.

Benmansour a fait sienne la maxime « Prudence est mère de sûreté ». S’il est resté évasif sur le but de sa visite, allant jusqu’à taire son nom et son identité, c’est qu’il ne néglige nullement la probabilité, même si elle lui paraît infime, d’un téléphone mis sous écoutes. À agir de cette façon, le risque était pourtant réel de se voir opposer une fin de non-recevoir immédiate de la part du grand maître, mais rien de tel n’est advenu. Sur ses gardes, il s’avance dans le couloir du deuxième étage jusqu’à la chambre 201, puis, d’un ongle circonspect, gratte le placage de la porte.


Le grand maître israélien est pour le moins perturbé par le coup de fil qu’il vient de recevoir. « Cet homme, qui est-il ? Pourquoi tant de mystères ? Ai-je eu raison d’accepter sa visite ? » Il se raccroche toutefois à la perspective que son énigmatique interlocuteur a fait miroiter à mi-mots, celle de lui transmettre des informations concernant la disparition de son secondant. Si d’aventure une autre raison motivait cette singulière visite, il n’en serait pour autant alarmé. « Que risque-t-il après tout dans cet hôtel ? » Il repense un instant à l’accent de l’homme… « Un Iranien ? envisage-t-il. Ils auraient enlevé Per Hansen…? Non, tout à fait improbable ! Il s’exprimait plutôt avec un accent maghrébin… »

Le signal attendu interrompt son monologue. L’homme entre furtivement, un doigt posé sur les lèvres pour lui intimer le silence, fait le tour de la pièce en explorant du regard ses détails, puis le convie d’un geste explicite à le suivre sur le balcon.

- Bonjour Monsieur Bronstein, commissaire Benmansour, Sûreté nationale marocaine, se présente-t-il en lui tendant une main chaleureuse. Je suis désolé de faire tant de mystères, mais nous devons être prudents.

- Je vous en prie ! Que craignez-vous exactement ? La présence de micros ? s’enquiert le grand maître intrigué.

- Peut-être… Mais je n’en ai pas repérés de visibles… Mes vieilles obsessions d’enquêteur sans doute.

- Alors, que vouliez-vous me dire à propos de Per Hansen ? Car il s’agit bien de lui, n’est-ce pas ?

Le commissaire a décidé de jouer cartes sur table. Il lui narre dans le détail les divers épisodes de la nuit et lui révèle comment la police marocaine en est venue à soupçonner des agents israéliens grâce au témoignage de l’inspecteur Idrissi. Il ne lui cache pas non plus qu’il n’ont pour l’heure aucune piste permettant de localiser le lieu où le grand maître danois serait détenu, mais l’assure qu’ils ont bon espoir d’y parvenir en prenant en filature le véhicule des présumés ravisseurs.

- Mossad agents… J’ai considéré cette hypothèse, voyez-vous. En tant que joueur d’échecs, j’ai l’habitude d’envisager tous les coups susceptibles d’être joués par mes adversaires… Celle-ci m’a semblé la plus plausible.

- En relation avec l’incident d’hier, j’imagine. Lorsque le président de votre fédération a porté ces accusations à l’encontre de Per Hansen.

- Décidément, vous avez des yeux et des oreilles partout !

- D’une certaine façon… J’ai toute une équipe avec moi sur cette affaire.


La présence à ses côtés d’un gradé de la Police marocaine ne suffit pas à tranquilliser Boris Bronstein, en dépit du professionnalisme qui émane de sa personne. Il sait que les agents du Mossad sont non seulement des combattants aguerris, mais qu’ils disposent aussi d’un arsenal de moyens matériels et d’une organisation aux rouages parfaitement huilés. Ils ont prouvé leur expertise dans nombre d’opérations audacieuses, y compris sous forme de raids en pays hostiles. Et ceci lui laisse à croire que la libération de son secondant est loin d’être acquise.

- Je dois y aller maintenant, je vous informerai de l’évolution de nos recherches, vous pouvez compter sur moi, assure le commissaire.

- Merci, Monsieur Benmansour, je suis persuadé que vous ferez pour le mieux.


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